« Promenons-nous dans les bois » mais qu’y trouverez-vous dans ces endroits frais et feuillus ?
A la Wantzenau, au nord de Strasbourg, l’ail des ours : Allium ursinum L. (Amaryllidaceae), (Märzeziewele) forme des colonies à feuilles linéaires et ombelles de petites fleurs blanches.
L’ail, cette « rose puante » dénommée ainsi par les Grecs, qui interdisait à celui qui en avait consommé l’entrée dans les temples, mais qui préservait autrefois grâce à la composition de la « thériaque du pauvre » de Galien, contre la peste et le choléra et les vers intestinaux…fut bien utile. Depuis, l’ail a fait son chemin depuis l’art culinaire jusqu’aux maints bénéfices reconnus sur la santé ! Ses substances odorantes soufrées, spécifiques, ne se développent que si l’on broie ses caïeux. Le constituant principal est l’aliine, un sulfoxyde de cystéine, inodore, présent dans toutes les parties de la plante et notamment dans le bulbe.
Par contact avec d’autres cellules adjacentes contenant de l’alliinase, une enzyme spécifique, décompose l’alliine en allicine qui s’oxyde en disulfure d’allyle d’odeur caractéristique. Les propriétés de l’ail sont multiples : limitons nous à rappeler qu’une baisse de la cholestérolémie, de la tension artérielle peuvent être observées. On notera aussi une activité anticoagulante, antibactérienne, antifongique, antioxydante. Son effet protecteur vis-à-vis du cancer gastrique et colorectal est discuté. Mais quelle noble destinée pour une plante si modeste…
Dans ces mêmes lieux ombragés, baignés de mystère, à proximité, ce sera la ficaire Ficaria verna Huds, (Renonculaceae), à feuilles cordées et luisantes ou « fausse renoncule » avec ses fleurs jaunes éclatant d’or brillant. Son nom provient de « ficus », car ses tubercules turgides sont en forme de figue, renflés comme des hémorroïdes, d’où sa référence à la théorie de la signature.
Ainsi, la nature aurait mise à notre disposition des signes morphologiques pour nous orienter et nous souvenir de son pouvoir thérapeutique…Et la science lui a donné raison puisque les saponosides triterpéniques originaux, dérivent de l’hédéragénine, une substance que l’on retrouve dans le lierre, qui avec ses bras amoureux étreint les vieux murs poudreux. Ce sont des antiinflammatoires et des extraits ont été utilisés en pommade et suppositoires pour calmer localement les douleurs hémorroïdaires. Néanmoins attention car c’est une plante qui peut être toxique par voie orale !
A quelques pas de là, l’anémone des bois ou Sylvie, Anemone nemorosa L. (Renonculaceae), présente ses gracieuses petites têtes aux corolles blanches voire roses, aux pâleurs transparentes, tremblant sous le vent d’où son nom.
Imaginez-vous que la légende raconte que Zéphyr s’éprit d’une nymphe dénommée Anémone, au fort parfum mais que Flore, jalouse, métamorphosa en fleur en lui ôtant sa fragrance pour ne pas que Zéphyr la retrouve. Aujourd’hui, cette anémone ne s’épanouit, dit-on que si le vent souffle. Certains bétails peuvent être intoxiqués avec des œdèmes du museau, de la dyspnée et des convulsions, car elle est considérée comme toxique.
Sous l’ombrage des haies, se cache la petite pervenche à corolle bleu-ciel en tube, Vinca minor L. (Apocynaceae), (bergère, pucelage, violette des morts…) en allemand : Sinngrün, Immergrün, qui au gré du vent, s’habille de feuilles mortes tombées de-ci de-là. Ce fut la fleur préférée de J.J. Rousseau rencontrée lorsqu’il se promenait avec Madame de Warens aux Charmettes, puis reprise dans « Sylvie » par Gérard de Nerval.
Elle fut conseillée à sa fille par Madame de Sévigné contre les migraines, bien que l’usage populaire en faisait un anti-laiteux, un astringent et un antidiarrhéique. La découverte de l’un de ses principes, la vincamine, un alcaloïde indolique, notamment grâce à l’époque aux travaux de l’équipe de J. Le Men de Reims, a fait l’objet de médicaments dans l’insuffisance vasculaire cérébrale en augmentant le débit circulatoire notamment au niveau des coronaires et les troubles de la sénescence, en augmentant la consommation en oxygène au niveau des cellules neuronales en état d’hypoxie. Mais ne conseillons pas l’infusion car une série d’autres alcaloïdes, qui eux sont toxiques, sont présents dans les feuilles.
Cette pervenche de nos régions ne doit pas être confondue avec la pervenche tropicale dite de Madagascar, Catharanthus roseus (L.) G. Don, (Apocynaceae), sous-arbrisseau ligneux, avec des fleurs décoratives à corolle rose et dont les feuilles ont donné à la thérapeutique au moins deux anticancéreux majeurs : la vinblastine et la vincristine, isolées en 1961.
Les structures moléculaires sont complètement différentes et plus complexes : ce sont des alcaloïdes dimères indolo-monoterpéniques, très difficiles à resynthétiser. Leurs propriétés furent découvertes par G. H. Svoboda en 1962, un chercheur d’Eli Lilly à Indianapolis qui recherchait des substances antidiabétiques et que l’un de nous a bien connu (RA) lors de son post-doctorat à l’Université de Chicago en 1975. Mais chez le rat, il observa, ce que d’autres canadiens Noble et Beer observèrent aussi de leur côté, à savoir que ces extraits engendraient une leucopénie (diminution des globules blancs). Une personne de sa famille étant condamnée avec une leucémie, il eut l’idée de lui administrer des extraits de Catharanthus, ce qui eut pour conséquence une rémission de sa maladie. En conséquence, ce chimiste fut nommé directeur d’Eli Lilly…
Ces alcaloïdes dimères originaux et complexes, difficilement reproductibles chimiquement en raison de carbones asymétriques, sont des antimitotiques qui se fixent sur la tubuline empêchant la formation de microtubules, donc la formation du fuseau chromatique qui permet la séparation des chromosomes au cours de la mitose. Le mécanisme d’action a été particulièrement étudié. Ces médicaments sont utilisés dans de très nombreuses pathologies cancéreuses (maladie de Hodgkin, lymphomes, de tumeurs solides…) mais ce sont des substances à effets secondaires nombreux (neurotoxicité…). Le plus étonnant est que plus de 70 alcaloïdes furent isolés de cette même plante et que seuls les deux premiers sont actifs !
Le Daphné, Daphne mezereum L. (Thymeleaceae), Kellerhals, ou « bois gentil », n’est en fait pas gentil du tout ! Ce buisson à fleurs rose pourpre attire les insectes car son parfum est proche de celui du lilas.
Entre 10 à 15 baies écarlates sont létales chez l’adulte mais curieusement pas chez les oiseaux. Les substances responsables sont des diterpènes particuliers (des esters du phorbol) présents notamment dans les fruits et « cocarcinogènes », c’est-à-dire qu’ils provoquent un développement rapide chez des sujets où des prémisses cancéreuses sont présentes.
Ils ont servi de modèles pour l’étude des cancers, il y a quelques années, notamment à Heidelberg (Deutsches Krebsforschungszentrum), car en badigeonnant les oreilles de souris avec ces substances puis avec du benzopyrène cancérigène par exemple, les cancers évoluent très rapidement et peuvent plus rapidement être étudiés. Ces diterpènes se retrouvent aussi dans les latex de certaines euphorbes du genre Euphorbia, que vous trouvez un peu partout sur les talus, comme l’euphorbe petit cyprès Euphorbia cyparissias L. ou Euphorbia lathyris L. que l’on plante dans les jardins potagers pour faire fuir les taupes.
Très rare, voire exceptionnel en Alsace mais plus fréquent dans la moitié sud de la France, vous découvrirez peut-être le petit houx, Ruscus aculeatus L. (Asparagaceae), (Mäusedornwurzelstock) ou fragon.
Cette plante ligneuse, vivace, porte des cladodes, ou fausses feuilles terminées par un aiguillon acéré et son fruit est une baie écarlate. Son rhizome renferme des stérols, des saponosides stéroïdiques (ruscosides…) originaux. Ce fut un des fleurons des médicaments à base de plantes très utilisé dans les « manifestations subjectives de l’insuffisance veineuse » (jambes lourdes, hémorroïdes) car les principes actifs stimulent les récepteurs alpha-adrénergiques des cellules lisses de la paroi vasculaire.
Dans des endroits dégagés, aux détours herbeux du chemin, un véritable jaillissement étoilé avec des fleurs aux tonalités violettes, au sommet de longues tiges attirera votre regard, c’est l’épilobe purpurine en épis, Epilobium hirsutum L. (Onagraceae), qui forme des colonies se développant après des terrassements sur des terrains humides. L’épilobe est utilisé surtout en Suisse, en infusion ou en extraits pour les troubles de l’hypertrophie prostatique.
Plus loin, l’herbe à Robert, Geranium robertianum L. (Geraniaceae) essaimant çà et là, fut célébrée par A. de Lamartine qui écrivait : « Ton parfum attend la nuit pour embaumer et se répand dans l’ombre ». Ce n’est pas certain car les parties aériennes renferment surtout des tannins, vasoconstricteurs, astringents…mais très peu d’huile essentielle.
Plus abondante partout dans les prairies, apparait l’achillée millefeuille, Achillea millefolium L. (Schlafgarbenkraut Garwekrüt), (herbe de Saint Jean, sourcil de Vénus…), une Asteraceae aux feuilles subdivisées en lobes finement découpés et dont les fleurs groupées en petits capitules forment des corymbes denses blanches ou rosées sur le même plan.
Avec son goût amer, elle est principalement anti-inflammatoire et antispasmodique (troubles digestifs…). Cette herbacée se trouve mêlée à plusieurs légendes. Jésus rapporte-t-on, soigna son Père charpentier avec des feuilles fraîches d’où l’appellation d’« herbe au charpentier ou herbe Saint Joseph » Et puis la légende raconte qu’Achille aurait utilisé cette plante pour guérir les blessures de ses soldats lors de la guerre de Troie, car le millefeuille est hémostatique.
Plus loin au pied de majestueux arbres d’un parc, ce sont des parterres de petites fleurs bleues d’une rare beauté, constitués de colonies de petites scilles à deux feuilles, Scilla bifolia L. (Hyacinthaceae). Utilisée sporadiquement dans les Vosges, elle est la « cousine » de Urginea maritima L. (Asparagaceae) dont le bulbe possède aussi des cardiotoniques voisins de ceux de la digitale (scillarènes), avec le même aglycone, mais possédant un cycle latéral à 6 atomes au lieu de 5, ce qui les classe dans la catégorie des « bufadiénolides » comme chez l’hellébore, vue plus haut et qui pousse dans les régions méditerranéennes.