Notre confrère Jean-Michel Jeudy est décédé le 11 janvier 2024. Restaurateur, poète et voyageur, il a partagé passionnément son goût pour les mots, avec ses textes en prose et en vers. Christiane Roederer lui rend hommage.
“Ce 11 janvier 2024 notre ami, notre frère a tiré sa révérence au pays méditerranéen, emportant dans son cœur ses amours : Françoise son Héloïse, le foisonnement des mots, l’art de la Table… Sa biographie témoigne de son éclectisme, cette harmonie des sens ; de sa philanthropie et, en symbiose avec Kant, son culte du beau. En 1969, le voici élève de l’Ecole hôtelière de Strasbourg, militaire dans la Marine nationale, maître d’hôtel à l’Elysée, à San-Francisco, président de l’Amicale des anciens Marins de Californie (1982), meilleur sommelier en Californie, chroniqueur gastronomique, président de l’Union des Français de l’Etranger de San-Francisco, chevalier du mérite agricole (1988), président des Anciens de l’Ecole hôtelière de Strasbourg, président honoraire de la Société des écrivains d’Alsace Lorraine (SEAL), enfin depuis 2012 membre titulaire au sein de l’Académie des Sciences, Lettres et Arts d’Alsace. Si Jean-Michel était vosgien, il était aussi un peu alsacien, voire méridional et pourquoi pas américain… Un homme pour qui la planète était la bonne mesure et le ciel sa source d’inspiration quand il se faisait poète. Il ne s’agit pas ici d’une banale énumération biographique mais des étapes multiples d’un homme nourri certes d’une farouche volonté d’accomplissement à jamais marquée par les humanistes de la Renaissance dont Erasme fut sans doute un phare tout comme Camus. S’il reconnaît cette filiation philosophique, il avoue cultiver une certaine utopie dans sa constante recherche du bien commun :
« J’ai fait un rêve dingue,
un rêve un peu fou
un rêve éveillé
un rêve tout debout
Où la terre est léguée à des enfants
Qui ne deviendraient jamais grands »…
Rêvons avec lui. Dans la dure et longue maladie le couple a fait face dans la grâce de leur amour transcendé dans l’art de la création partagée, la photo pour l’une, la plume pour l’autre. Sa devise de marin : « Valeur et discipline, honneur et patrie » fut inscrite, indélébile, dans son cœur jusqu’à son dernier souffle.Si Jean-Michel fut fils des philosophes, il fut explicitement celui de Rabelais dans leur passion commune pour les nourritures terrestres : « Se nourrir est un besoin, savoir manger est un art ». Mission accomplie ! Son dernier recueil de poèmes « Envies » est un hymne à la vie, aux petits et grands bonheurs, une magnifique leçon d’amour, d’amitié, de gratitude. C’est Chateaubriand qui aurait pu lui dédier un hommage : « Les poètes sont des oiseaux, tout bruit les fait chanter ». Notre ami a chanté – enchanté – l’univers à sa manière. Il fut, il demeure un de ces oiseaux-lyre à la Prévert, libre et heureux.”
Jean-Michel Jeudy
Ancien président de la Société des écrivains d’Alsace Lorraine